Définition, raison d’être, comité de mission, OTI.
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La genèse
Le 9 mars 2018, le rapport Notat Senard – remis aux Ministres de la Transition écologique et solidaire, de la Justice, de l’Économie et des Finances et au Ministre du Travail – met en avant la conviction que l’entreprise a une raison d’être et contribue à un intérêt collectif. Ce rapport a ouvert la voie à la loi Pacte adoptée le 22 mai 2019.
La loi Pacte offre ainsi la possibilité aux sociétés de modifier leurs statuts pour y inscrire une « raison d’être » relevant de l’intérêt général.
Les États-Unis connaissent la notion de Société à Mission depuis 2010 créée pour répondre à certaines contraintes pesant sur les dirigeants. En effet, avant cette notion, si les actionnaires estimaient que les dirigeants agissaient dans un intérêt autre que l’intérêt financier strict pouvaient engager des poursuites contre des dirigeants.
La Société à Mission : définition
La Société à Mission est une société inscrivant dans ses statuts une mission comportant des objectifs sociaux, sociétaux et/ou environnementaux. Objectifs que l’entreprise compte poursuivre en plus son objectif de profit.
Toute société peut désormais faire publiquement état de sa qualité de Société à Mission, si elle réunit les conditions posées au nouvel article L.210-10 du code de commerce :
– des engagements statutaires ;
– une gouvernance spécifique ;
– des exigences de reporting périodiques, soumis à la vérification d’un Organisme Tiers Indépendant (OTI).
Notons que la loi offre un cadre mais laisse une grande liberté de choix dans la définition de la raison d’être et des objectifs statutaires.
Raison d’être et objectifs statutaires
Pour obtenir la qualité de Société à Mission, la modification des statuts de l’entreprise est nécessaires et se traduit par l’inscription de la raison d’être, des objectifs sociaux et/ou environnementaux et des modalités de suivi de l’exécution de la mission (composition d’un comité de mission et désignation d’un OTI).
La raison d’être
L’article 169 de la loi Pacte complété l’article 1835 du code civil permet aux sociétés qui le souhaitent de prévoir dans leurs statuts une raison d’être.
La raison d’être est l’expression des convictions et des aspirations de l’entreprise. Elle est constituée des principes dont la société se dote et de son engagement à respecter les moyens qu’elle affecte pour la réalisation de sa mission.
La raison d’être doit être en cohérence avec l’objet social de la société. Elle tient compte des enjeux RSE, des valeurs des dirigeants, de leurs engagements, de la vision stratégique de l’entreprise et des attentes des parties prenantes.
Quelques exemples de raison d’être :
MAIF : « Convaincus que seule une attention sincère portée à l’autre et au monde permet de garantir un réel mieux commun, nous, MAIF, plaçons cette attention au cœur de chacun de nos engagements et de chacune de nos actions. »
DANONE : « Apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre. »
ORANGE : « Orange est l’acteur de confiance qui donne à chacune et à chacun les clés d’un monde numérique responsable. »
CO3 « Au-delà d’apporter de la confiance dans l’économie, notre ambition est de placer l’Humain comme priorité des enjeux du monde des affaires pour favoriser son accomplissement. »
GLOBAL COUCIL : « Accompagner les entreprises dans leur transformation en qualité de Société à Mission authentique pour que les enjeux environnementaux et sociétaux soient au centre de la vie économique et donner ainsi plus de sens au monde des affaires. »
Les objectifs statutaires.
Les objectifs statutaires sont l’expression d’objectifs sociaux et/ou environnementaux.
Ils précisent et concrétisent la raison d’être et sont déclinés en objectifs opérationnels. La définition d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs permet de mesurer les progrès réalisés et vérifier si les objectifs statutaires sont atteints.
Quelques exemples d’objectifs statutaires :
- Mesurer, réduire et compenser ses émissions de CO2 ;
- Favoriser, par une attention sincère, l’épanouissement de ses acteurs internes au sein d’un collectif engagé ;
- Contribuer à la transition écologique à travers ses activités ;
- Avoir un impact positif sur l’économie par les services rendus et contribuer
à la pérennité des entreprises que nous accompagnons sur les territoires.
À noter : l’article 210-10 al 2 du Code de Commerce stipule : « Ses statuts précisent un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité ».
Une gouvernance spécifique : le comité de mission
Le comité de mission est chargé exclusivement du suivi de l’exécution de la mission.
Il procède à toutes vérification qu’il juge nécessaire et se fait communiquer tout document nécessaire au suivi de l’exécution de la mission.
Le comité de mission évalue l’efficacité des actions menées :
- Les résultats atteignent-ils les objectifs ?
- Les moyens mis en œuvre sont-ils efficaces ? Permettent-ils d’atteindre de futurs des objectifs ?
Le comité de mission se questionne également sur la pertinence de la voie choisie pour réaliser la mission :
- D’autres voies sont-elles possibles ?
- Toutes les variétés des dimensions de l’impact ont-elles été prise en compte ?
- Les engagements sont-ils en phase avec l’évolution des attentes sociétales ?
- La stratégie sera-t-elle pertinente demain ?
Distinct des organes sociaux, le comité de mission doit comporter au moins un salarié parmi ses membres. Certains membres peuvent être des personnalités charismatiques et ainsi engager leur réputation et leur rayonnement.
Le comité de mission rend un rapport annuel.
Organisme Tiers Indépendant (OTI)
La Société à Mission est soumise à la vérification d’un OTI.
L’OTI a pour rôle la vérification de l’exécution des objectifs. Il est désigné parmi les organismes accrédités à cet effet par le COFRAC.
L’OTI apprécie la cohérence :
- des objectifs sociaux et environnementaux,
- de la raison d’être et de l’activité de la société au regard de ses enjeux sociaux et environnementaux.
Pour ce faire, l’OTI a accès à l’ensemble des documents détenus par la société et utiles à la formation de son avis, notamment au rapport du comité de mission.
L’OTI interroge :
– le comité de mission sur son appréciation de l’exécution des objectifs ainsi que les parties prenantes ;
– l’organe en charge de la gestion de la société sur la manière dont elle
exécute ses objectifs, sur les actions menées et sur les moyens financiers et non financiers affectés.
L’OTI s’enquiert de l’existence d’objectifs opérationnels ou d’indicateurs clés de suivi et de mesures des résultats atteints par la société à la fin de la période couverte par la vérification pour chaque objectif.
L’avis motivé de l’OTI est joint au rapport du comité de mission. Il doit être publié sur le site internet de la société et demeure accessible pendant une durée de 5 ans.
Bon à savoir :
La première vérification a lieu dans les 18 mois suivant la publication de la déclaration au RCS (24 mois pour les sociétés de moins de 50 salariés).
La périodicité des contrôles est biannuelle au moins (éventuellement portée à 3 ans pour les sociétés de moins de 50 salariés).
Les atouts et les impacts offerts par la qualité de Société à Mission
L’adoption de la qualité de société à mission permet aux entreprises :
- de faire publiquement état de cette qualité,
- de différencier l’entreprise de ses pairs : les entreprises peuvent montrer qu’elles ne cantonnent pas leur démarche RSE à une mise en conformité.
Enfin, l’inscription de la mission dans la stratégie de l’entreprise permet de l’engager de façon pérenne.
La qualité de Société à Mission confère un sentiment d’appartenance à une communauté d’entreprises et de dirigeants résolument tournés vers l’avenir.
Ainsi la Société à Mission s’inscrit dans une démarche RSE volontaire et impacte :
- les salariés par le recrutements des candidats en quête de sens et recherchant des entreprises engagées ;
- les clients en prouvant la mobilisation et l’engagement du management par des actions en faveur des enjeux actuels pour l’environnement ;
- les fournisseurs par un engagement qui génère de la confiance ;
- les fonds d’investissements en quête investissements RSE.
Ainsi, le choix de la qualité de Société à Mission concrétise un engagement pour l’intérêt général. Ce choix permet de rééquilibrer la société en lui ajoutant une « raison d’être » à sa « raison d’avoir ». La qualité de société à mission impacte fortement les relations avec les parties prenantes.
Enfin, l’existence du comité de mission et l’intervention de l’OTI permet de réduire les risques d’écoblanchiment.